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Les grèves actuelles démontrent l’importance de consolider la chaîne d’approvisionnement nord-américaine. Voici ce que nous savons et ce que nous pouvons faire.
Les grèves des ports de Montréal (Canada) et de la côte est américaine sont les plus récentes, mais pas les dernières. Quelle leçon pouvons-nous tirer de ces événements et que peuvent faire les occupants pour limiter les risques des prochaines perturbations de la chaîne d’approvisionnement ?

Premièrement, que se passe-t-il présentement à Montréal et dans les ports de la côte est des États-Unis ?

Lundi, les ports de Montréal ont lancé une grève partielle de trois jours, affectant les terminaux Viau et Maisonneuve. Cela a causé l’arrêt pour 40 % de la circulation des conteneurs alors que le syndicat local tente d’arriver à une entente avec l’Association des employeurs maritimes (AEM). Les contrats entre les parties sont échus depuis décembre et elles n’ont pas encore réussi à s’entendre sur les conditions d’un engagement soutenu.

Et mardi, les débardeurs ont cessé leur travail de façon semblable aux États-Unis, mettant en marche une grève longuement anticipée dans tous les ports de la côte Atlantique et du Golfe, alors que la United States Maritime Alliance et l’Association internationale des débardeurs tentent de trouver un terrain d’entente.
Avant la grève | Terminal de conteneurs de Port Newark - Newark, NJ
Après la grève | Terminal de conteneurs de Port Newark - Newark, NJ
Source: PNCT
Ports affectés par les grèves de Montréal et de la côte est
Les conflits comme ceux-ci sont trop familiers de nos jours, avec des perturbations de la chaîne d’approvisionnement dans des endroits comme le Canada, les États-Unis, la Chine, l’Égypte, le Panama et de nombreux autres endroits critiques, qui semblent se dérouler quelques fois par année maintenant. La dernière grève majeure en Amérique du Nord s’est déroulée il y a un peu plus d’un mois dans les systèmes ferroviaires du Canada.

Que s’est-il passé pendant les récentes grèves ferroviaires canadiennes ?

Les conflits de travail syndicaux avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et Canadian Pacific Kansas City (CPKC) ont mené à la fermeture massive de lignes ferroviaires en août.

Si la grève n’a duré qu’une journée du lockout à la reprise forcée des opérations, ses effets se sont fait sentir dans toute la chaîne d’approvisionnement (importations et exportations), a entraîné des répercussions sur le commerce aux États-Unis et a affecté le fonctionnement des trains de banlieue pour des dizaines de milliers de personnes, créant de multiples effets domino.

“Lorsque la grève ferroviaire canadienne a eu lieu, nous avons dû prévoir d’importants délais entre la conclusion d’une entente et le moment où le travail et l’approvisionnement pouvaient reprendre. Chaque année, 21 500 trains de merchandise canadiens entrent aux États-Unis, pour une moyenne de 59 trains par jour. Toute perturbation de ce système a un effet d’entraînement sur l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement. Elle crée une tension importante et des goulots d’étranglement dans le déplacement de marchandises qui doivent être gérés et remédiés. ”

Warren D'Souza
directeur principal et responsable industriel, Intelligence du marché

De façon semblable, les grèves portuaires de cette semaine pourraient mener à des retards d’expédition cinq fois plus longs que l’arrêt, avec diverses grandes répercussions ressenties dans les secteurs automobile, du commerce de détail, de l’énergie, de la fabrication industrielle et de l’agriculture.

Que peut nous apprendre la grève ferroviaire sur ce qui pourrait se dérouler pendant les grèves portuaires ?

Nous pouvons regarder ce qui s’est produit pendant la récente grève ferroviaire canadienne et les grèves portuaires passées comme indication de ce qui s’en vient pour les États-Unis et le Canada alors que les grèves portuaires battent leur plein.

Les ports fermés pourraient retarder les exportations de charbon des États-Unis vers l’Europe, par exemple, affectant le chauffage et créant des pénuries d’énergie sur ce continent.

L’industrie automobile américaine pourrait aussi être frappée de plein fouet, avec des retards anticipés pour les véhicules et pièces importés et exportés.

Par ailleurs, de nombreux articles ménagers d’usage quotidien pourraient être en plus forte demande puisque les goulots d’étranglement et les retards feraient augmenter les besoins et les prix dans les deux pays.

La plupart des exportations agricoles des États-Unis sont expédiées via les ports de la côte est et du Golfe du Mexique. Plus de 30 % des récoltes exportées ont été mises en conteneur. Or, l’essentiel de la saison des récoltes en Amérique du Nord se déroulant en octobre et en novembre, les denrées périssables sont en jeu.
Une grève prolongée pourrait handicaper la part du marché des exportations agricoles et faire grimper les prix au détail, tout en baissant les prix donnés aux producteurs. Une grève causerait des perturbations et pourrait faire augmenter les prix des aliments essentiels qui sont aussi importés, principalement par conteneur, comme les bananes et autres fruits, les légumes et autres produits alimentaires à un moment où l’inflation est l’une des grandes préoccupations pour tous.

Selon JP Morgan et Reuters, l’impact économique estimé d’un tel arrêt aux États-Unis pourrait atteindre 5 milliards de dollars (US), voire plus.

La grève de 13 jours des débardeurs de la Colombie-Britannique l’an dernier a coûté 250 M$ (CAD) par semaine à l’économie, selon les estimations. Les deux grèves s’accompagnent du risque de laisser les affréteurs en mer, ancrés jusqu’à nouvel ordre, avec toutes les répercussions que cela implique.

Et avec des milliards en biens traversant la frontière canado-américaine chaque jour, aidant l’économie des deux pays, on peut dire qu’il y a beaucoup en jeu, même si les ports ferment une seule journée. Imaginez des jours et des semaines.

Y a-t-il des facteurs externes qui pourraient jouer un rôle important dans les négociations de la grève portuaire ?

Bien que la grève de Montréal soit présentement prévue pour trois jours, les effets de l’ouragan Helene et son sillage de destruction ainsi que l’élection présidentielles des États-Unis seront sur l’échiquier pour les grèves aux États-Unis, dans une négociation encore sans échéancier.

Si certains tenteront d’arriver à une décision plus hâtive afin d’éviter de ralentir les secours d’urgence, d’autres pourraient mettre les freins par crainte des possibles politiques étrangères à venir. Une chose est sûre, le sujet sera sur toutes les lèvres puisque les conséquences à court et long terme sont liguées contre les besoins et désirs des travailleurs.

“La destruction inimaginable de l’ouragan Helene ne fait qu’amplifier le besoin d’une résolution rapide à la grève des débardeurs. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement pour les produits essentiels et les matériaux de reconstruction aux zones dévastées amplifieront les difficultés, et ce, à l’approche de la saison froide. La grève des débardeurs, avec la grève en cours chez Boeing, gêneront la reprise et les efforts de reconstruction dans les zones très affectées qui dépendent largement des importants par les ports de l’est et du Golfe. ”

Peter Kroner
directeur, industriel/chaîne d’approvisionnement et logistique, Intelligence du marché

La résolution d’une grève renferme des complexités au cours d’une année électorale présidentielle. Il faudra voir quelles mesures seront prises pour remettre les ports à l’œuvre et à quelle vitesse la résolution sera atteinte.

“Si les négociations demeurent à l’arrêt, il se peut que la loi Taft-Harley soit invoquée, ce qui n’est pas arrivé en plus 20 ans. Les préoccupations vis-à-vis l’économie et la sécurité nationale pourraient aussi ajouter une pression pour ouvrir les ports. Plus longue sera la grève, plus forte sera la tension pour les prix, les pénuries et les pertes d’emploi. ”

Chad Buch
gestionnaire, industriel/chaîne d’approvisionnement et logistique, Intelligence du marché

La bonne nouvelle ? Aux États-Unis, on avait anticipé cette situation.

Si à Montréal les ports n’ont pas reçu grand-chose outre un court préavis, les ports des États-Unis s’organisaient en vue de cette situation, permettant aux parties de se préparer en conséquence. En prévision d’une grève potentielle ou arrêt aux États-Unis, les affréteurs ont commencé à envoyer davantage de conteneurs vers l’ouest au lieu de la côte est plus tôt cette année, avec un pic de livraisons à Los Angeles en juin. Les saisons fortes ont aussi été devancées de six semaines partout, avec un dernier trimestre potentiellement plus lent que d’habitude alors que les affréteurs gèrent les répercussions.
Autre point positif ? Le stockage et restockage a continué de faire partie de la stratégie après la pandémie. De nombreuses entreprises ont plus d’espace d’entreposage pour augmenter leur inventaire et s’adapter à toute situation, comme les détaillants qui ont accru leurs stocks de produits aux deux derniers trimestres en vue de la saison des fêtes, ce qui pourrait suffire pour diverses catégories de produits. Donc, depuis dimanche, le port de New York/New Jersey a commencé à interrompre la réception et le traitement de la marchandise à exporter, sauf si elle peut être chargée avant lundi. Certains étaient prêts pour l’occasion.

Que devraient faire les occupants d’Amérique du Nord qui sont moins préparés cette fois-ci afin de limiter les risques actuels et futurs liés à de telles situations ?

Les chaînes d’approvisionnement sont fragiles comme jamais en raison des changements à la production et la consommation mondiales. Les consommateurs sont de plus en plus tournés vers la livraison à la porte à un moment où le mouvement ouvrier monte en puissance.

Si la production accrue au Mexique et les récentes fusions ferroviaires dans les transports nord-américains nous ont interreliés davantage, cette concentration comporte aussi des risques.

Heureusement, les occupants ont présentement de la marge de manœuvre pour se préparer à de futurs temps difficiles :
  • Ajouts. Plus d’entrepôts ou de locaux pour le court terme pour les surplus saisonniers dans des endroits différents aident à répartir les risques.
  • Rapatrier les opérations. Ramener la production plus près du lieu de consommation signifie moins de distances à franchir et des délais moins longs (quand délais il y a).
  • Diversification des pôles. La répartition dans plus de ports, y compris une combinaison de ports canadiens et américains, aide à ce que les opérations ne cessent jamais complètement.
  • Impliquer un tiers. L’utilisation d’un tiers en logistique pour aider à gérer les fluctuations de la demande, avoir des camionneurs prêts et trouver rapidement d’autres modes d’expédition.
  • Planifier pour des surplus. Déterminer le meilleur programme de location/sous-location pour des inventaires de plus et être prêt avec davantage de stationnement pour conteneurs pour de grandes quantités de produits (pour retards, etc.) qui pourraient arriver tous en même temps.
Avec de telles tactiques en place, l’industrie sera mieux préparée pour continuer à tourner, nonobstant le moment des prochaines perturbations.

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Article contributors

  • Director
  • Industrial / Supply Chain & Logistics Market Intelligence

  • Research Manager
  • Toronto Suburban Markets

  • Manager, Market Intelligence
  • Industrial Logistics Market Intelligence